Il fallut un certain temps à Nala pour sortir du sommeil et retrouver ses esprits. Elle ne se souvenait même pas s'être endormie et le réveil n'en était que plus difficile. Et il lui fallut d'autant plus de temps pour réaliser qu'elle ne rêvait pas, que quelque chose martelait inlassablement la fenêtre de sa chambre. Elle alluma la lampe de chevet et posa les pieds par terre dans un geste mécanique, se dirigeant vers sa fenêtre. Aussitôt qu'elle fut postée devant la vitre, le martèlement incessant prit fin et la belle adolescente eut tout le loisir de l'ouvrir pour découvrir une ombre dans son jardin. Elle n'eut plus besoin que de quelques secondes pour deviner de qui il s'agissait.
« Luckaël ? » « Merde ! Et moi qui espérais me faire passer pour le père noël. » Le ton du jeune homme était amplement ironique et la brunette leva les yeux au ciel en esquissant un sourire. Ils se connaissaient depuis des années, et Luckaël n'était visiblement pas près de changer. C'était d'ailleurs probablement ce que Nala aimait chez lui, sa répartie incroyable, son humour sans faille.
« J'ai le droit de monter dans ta chambre mon petit chat, ou je suis condamné à me geler les fesses dans ton jardin ? » Et son côté casse-cou. C'était quelque chose qu'elle admirait presque chez lui, bien qu'elle ait toujours peur qu'il ne finisse par se faire mal.
« Depuis quand as-tu besoin de mon autorisation pour risquer ta vie, espèce de fou ? » Il fit mine de réfléchir, la bouche grande ouverte, avant de hausser les épaules, son petit sourire en coin caractéristique aux lèvres, et de s'accrocher aux pierres du mur pour rejoindre la belle. Nala, quant à elle, préféra se reculer et aller s'asseoir sur son lit pour éviter la crise cardiaque en le voyant risquer ainsi sa vie. Elle ramena ses genoux contre sa poitrine, l'air frais de la nuit effleurant sa peau trop peu couverte par son short et débardeur. Elle leva la tête en le voyant passer la fenêtre, qu'il referma derrière lui en voyant qu'elle avait froid, et alla la rejoindre sur le lit, s'asseyant à côté d'elle. Il la regarda un instant avant de se laisser tomber en arrière, étalant ses bras sur le matelas, le regard rivé au plafond. Le silence s'installa petit à petit, et Nala finit par croire que son ami s'était endormi, et n'allait pas tarder à faire de même, lorsque sa voix retentit.
« je suis désolé de t'avoir réveillée lily, mais j'avais besoin de te voir. » Aussitôt, la jolie brune tourna la tête pour le regarder, inquiète par ces quelques mots. Elle s'alarmait sans doute pour un rien, comme à son habitude, mais c'était plus fort qu'elle. Elle voulait toujours tellement prendre soin de ses amis qu'elle s'inquiétait toujours pour peu de choses. Luckaël sembla le remarquer puisqu'un petit sourire naquit sur ses lèvres, bien qu'il fusse quelque peu tendu.
« respire nala, je vais bien, je ne suis pas sur le point de mourir. » Elle lui tira la langue en guise de réponse puérile, et se mit à bouder de manière tout aussi puérile.
« tu es belle quand tu boudes. » la jeune femme enfouit ses joues rougissantes dans ses bras croisés, se cachant du regard de son compère de toujours. Elle n'aimait pas spécialement les compliments. Ou plutôt, elle était très mal à l'aise lorsqu'elle en recevait, surtout de la part de son ami, sans réellement savoir pourquoi. Et il le savait, pourtant cela ne l'empêchait pas de l'embêter avec ça. De nouveau, le silence s'installa, rythmé par le bruit de leur respiration, et fut quelques minutes plus tard brisé à nouveau par la voix du jeune homme.
« je... nala, je crois que je t'aime. » L'intéressée releva immédiatement la tête pour poser les yeux sur Luckaël, n'en croyant pas ses oreilles. Elle ouvrit la bouche et la referma une fois, puis deux, et trois, tandis que le beau blond se passait une main dans les cheveux dans un geste nerveux, avant de se lever en réaction au silence de la cadette.
« pardon, je n'aurais jamais dû te dire ça. » elle le suivit des yeux alors qu'il rejoignait la fenêtre, s’apprêtant à sortir comme il était entré. Le coeur de Nala battait à cent à l'heure dans sa poitrine, le sang tambourinant à ses tempes, les mots de son ami tourbillonnant dans son esprit. Il était déjà en train de poser un pied sur le rebord de la fenêtre qu'il venait d'ouvrir lorsque la belle réagit et que des mots franchissent ses lèvres avant même qu'elle ne s'en rende compte.
« reste... s'il te plait, ne me laisse pas. » il croisa son regard, un petit sourire aux lèvres, avant de secouer la tête en soupirant.
« tu vas me tuer un de ces jours, tu le sais ça ? » elle haussa les épaules dans un geste innocent, et il explosa de rire avant de venir la rejoindre, prenant soin de refermer la fenêtre derrière lui. Il s'assit à côté d'elle, passa un bras autour de ses épaules pour la laisser se blottir contre lui, et déposa un baiser dans ses cheveux.
« jamais nala. je ne t'abandonnerais jamais. » Nala, complètement ahurie, se retourna vers lui, les yeux écarquillés.
« Quoi ?! » Perdant lentement son petit sourire sûr de lui, ses mains se mirent à jouer nerveusement avec le petit coffret recouvert de velours noir qu'il tenait.
« Épouse-moi, Zohla Nala Carstairs. » Elle secoua la tête, comme pour en faire sortir ces quelques mots qu'elle pensait avoir rêvés. L'épouser ? Ah la bonne blague ! Non mais franchement, il pensait vraiment qu'elle allait encore se faire avoir ? Il lui avait déjà joué suffisamment de mauvais tours pour savoir qu'elle ferait mieux de se méfier. Pourtant, il n'avait absolument pas l'air de se moquer d'elle. Au contraire, il semblait tout à fait sérieux, et l'inquiétude se faisait une place dans ses yeux au fur et à mesure que les secondes s'effilochaient.
« Tu n'as pas le droit Luckaël. Tu n'as pas le droit de me demander en mariage alors que ça ne t'engage absolument à rien, puisque tu pars demain ... » « Au contraire nala, ça m'engage à tout un tas de choses ! Ça m'engage à penser à toi à chaque instant, de penser à tout ce qui m'attendra quand je vais revenir, et ça m'engage à revenir vivant pour avoir le bonheur de te voir en robe blanche. » Ses yeux bleus pétillaient, comme s'il lui racontait un rêve incroyable, fantastique, magique. Il lui avait annoncé deux mois plus tôt qu'il s'était engagé dans l'armée, et ça lui avait brisé le cœur. Elle lui en voulait. Terriblement. Il l'abandonnait alors qu'il lui avait autrefois promis qu'il ne le ferait jamais, la laissant avec son inquiétude et cette angoisse constante de recevoir un coup de fil tragique.
« Promets-moi que tu reviendra en un seul morceau et que tu ne m'oublieras pas. » Retrouvant le sourire alors qu'il s'apercevait que la victoire était proche, il s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras.
« Je te le promets mon ange. » « Dans ce cas, trouve-toi un costume. Et montre-moi un peu cette fichue bague. » Un sourire flotta sur les lèvres des amoureux après qu'ils aient échangé un baiser et que nala ait admiré son annulaire, où trônait désormais un sublime diamant.
Sans même regarder les numéros inscrits sur les portes, elle se dirigea vers celle qu'elle savait être le 248. Celle de Luckaël. Elle s'arrêta un instant et tenta de calmer sa respiration et son cœur, qui s'emballaient chaque fois qu'elle entrait à l'hôpital. Elle avait toujours peur qu'il se soit réveillé alors qu'elle n'était pas là, et une fois qu'elle y était, elle avait peur de sa réaction quand il se réveillerait enfin. Il y avait de grandes chances pour qu'il ne la reconnaisse pas, et c'était sans doute ça qui l'effrayait le plus : qu'il l'ait oubliée, elle et les sentiments qu'il avait pour sa fiancée. Chaque matin, depuis que Nala savait qu'il était revenu pour de bon et que Luckaël était dans le coma, elle pensait à cette éventualité, et devait avouer que cela était horrible.
Prenant une grande inspiration, elle ouvrit la porte et entra dans la chambre. Elle n'aimait pas la façon dont cette dernière regardait son fiancé, elle était censée être la seule à avoir droit de poser les yeux de cette manière sur lui. La blouse blanche sembla le comprendre d'elle-même puisqu'elle finit rapidement de vérifier les machines autour du jeune homme avant de s'éclipser. Elle la regarda sortir et alla avant de prendre place à coté du lit du malade, serrant ses doigts dans les siens, seule en compagnie de son fiancé et des "bip" incessant des machines qui l'entouraient. Sans lui lâcher la main, elle attrapa l'une des lettres dans son sac et commença à la lui lire. Elle le faisait chaque fois qu'elle venait, c'est-à-dire tous les jours : elle prenait l'une des lettres qu'il lui avait envoyé et la lisait à voix haute, espérant ainsi réduire les risques d'amnésie. Elle se doutait bien que ça ne marchait pas comme ça, mais elle en avait du assez de rester les bras croisés à attendre qu'il daigne ouvrir les yeux. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'il était rentré d'Afghanistan, mais il n'y avait pas vraiment eu d'améliorations dans l'état de santé de Lucka, ce qui inquiétait ses deux amies. C'est sans doute pour cette raison qu'elle sursauta et fixa la main de son amant après avoir eu l'impression que ses doigts avaient bougé. Il ne se passa rien pendant plusieurs secondes, puis de nouveau, ses doigts remuèrent, cette fois de manière plus visible. Les battements de son cœur s'accélérant, nala n'eut pas le réflexe -ou la force- d'appeler Arabella, son regard entièrement accaparé par les paupières du malade qui commençaient à papillonner, comme s'il désirait les ouvrir mais qu'elles étaient encore trop lourdes. Un sourire sur les lèvres, nala embrassa la main de son amour qu'elle tenait encore tout en lui murmurant des mots aussi encourageants que doux. Et enfin, après plusieurs secondes, la jeune femme pût revoir le bleu si beau de ces yeux qui venaient de s'ouvrir pour son plus grand bonheur. Mais celui-ci fut de courte durée. L'espoir qui était réapparu en elle s'envola trop tôt à son goût. Après s'être habitué à la lumière ambiante et avoir examiné son environnement, il posa sur elle un regard plein d'interrogation.
« Excusez-moi, mais... Est-ce que vous pouvez me dire où nous sommes ? Et ... qui êtes-vous ? » Ces quelques mots si anodins lui brisèrent le cœur, à tel point qu'elle lâcha sa main comme si elle s'était brulée et sortit de la chambre en courant, le visage baigné de larmes.